L’appel lancé dans le Billet#1 Féministère : le bon moment, n’est pas un simple concept, une idée flottant dans l’air, intimant à se mobiliser dans le vent, sans but précis.
C’est une réflexion que je mène depuis qu’enfant, vers l’âge de 7-8 ans je ne me voyais que peu de liberté « à devenir ».
C’est une observation de ma condition, de celles de mes proches et la découverte de mes ainées féministes qui m’ont accompagnée depuis. Mais à 8 ans, j’optais déjà en mon fort intérieur pour ce qui semblait pouvoir m’apporter le plus grand sentiment de liberté : bergère dans les alpages ou moniale ayant fait voeux de silence.
Bon j’avais 8 ans…
Dans les deux cas, aucune motivation à devenir « propriétaire », ni à prendre de la place ; plutôt une résignation induite, à ne pas laisser de trace, à ne pas posséder, à ne pas donner à me faire entendre, et un sentiment de précarité.
Le cadre familial ne m’a pas protégé du patriarcat, du machisme et de la violence, bien au contraire.
Au final, ce cadre m’aura suffisamment niée dans mon identité profonde pour qu’une puissante révolte insoupçonnable émerge de moi. J’ai ainsi brisé l’un des tabou les plus fort de la société : rompre avec sa famille, s’en extraire pour re-trouver de l’espace, pour penser réellement par soi et acter son émancipation.
Les compromis n’étaient plus possibles et si je maintenais ces relations, je serais tristement passée à côté de cet acte fondateur que certain·e·s ont parfois, le privilège d’avoir, et ce dès la naissance si le contexte familiale est favorisant : exister, à soi-même et pour soi-même.
Le chemin n’est évidemment pas simple et oblige à changer le regard qu’on porte sur soi, mais aussi sur les autres. Celles et ceux qui nous précèdent, celles et ceux qui vivent à coté de nous dans la même tranche d’âge et qui font le choix conscient ou inconscient de ne surtout pas remettre le cadre familial et le système patriarcal en question pour des raisons… qui leurs appartiennent.
Et puis il y a les générations qui se construisent, les enfants, adolescent·e·s, jeunes adultes qui ont été ces dernières années, les plus réceptifs·ves et les plus impacté·e·s par les problématiques d’égalité de genre, d’injustices sociales, écologiques et maintenant sanitaires.
Je continue intellectuellement de penser que la propriété est basée sur cette culture de domination, de celles et ceux qui ont, soit par facilité de naissance, soit dans des contextes engendrant le maintien des inégalités de classe. On m’opposera quelques contre-exemples, des transfuges mais celles et ceux-ci sont souvent chargé·e·s de culpabilité, de décalage et de trahison. Elles et ils auront accepté en conscience de jouer avec les règles d’un jeu faussé, « Liberté Égalité Fraternité », qui leur ordonnera le silence sur la ligne d’arrivée qu’il et elle se seront fixé·e·s.
Quand on réussi, quand on a réussi, on peut partager son parcours de transclasse mais en accentuant principalement sur le mérite, le travail et l’acharnement là ou d’autres sont juste bien né·e·s.
Vous serez accepté·e·s, ou du moins toléré·e·s, si vous incarnez l’élévation et vous conformez aux manières des dominant·e·s.
On se retrouve alors traître·sse vis-à-vis de sa classe de départ.
Et quand on est une Femme, on l’est sur sur deux niveaux : on est trans-traître·sse d’un point de vue de sa classe sociale mais aussi de son appartenance aux dominé·e·s de genre, car si on a réussi, c’est parce qu’on a frayé avec les dominant·e·s établi·e·s et qu’on en devient un·e de fait.
À moins que… L’on prenne soin… L’on emprunte un chemin de travers… de traverse…
Le mouvement revient alors lentement mais assurément.
Avec le Féministère, l’idée est de prendre en considération nos différences de naissance, de classe, de contexte de vie, d’âge, de précarité et de conforts.
J’invite à constituer des groupes de réflexion et d’action pour passer en force dans la réappropriation de nos temps par l’acquisition d’un bien immobilier entre femmes.
Je ne « parle pas » de communauté, de repli sur soi, ou sur son genre. Je parle d’un endroit, d’un espace à habiter pour se donner du temps pour penser, pour souffler.
Je ne « parle pas » de communauté ermite, d’état d’esprit de colocation ; pas non plus d’un bâtit qui soit une résidence secondaire habitée quelques semaines par an…Comme nous en avons trop souvent vu pendant nos itinérances avec la Cie Augustine Turpaux.
L’idée n’est pas d’arriver en consommat·rices·eurs d’une ruralité qui vit depuis 70 ans la désertification, la densification de l’étalement urbain et une forme de désintérêt des pôles d’activités que sont les grandes villes.
J’invite à penser plus globalement les envies de nature et de vie plus lente à la campagne, qui ont souvent émergées, dans les esprits des urbain·e·s, depuis mars 2020. Entendons-nous, je fais partie des urbain·e·s depuis une quinzaine d’années mais je sais parfaitement pour quoi j’ai rejoint une grande ville. Nos itinérances, au delà de l’approche purement artistique, politique et sociale m’ont aussi permises de me re-confronter à ce que j’avais perdu et je ne crois pas être du tout dans le fantasme contemporain de nos campagnes françaises.
Je place une importance fondamentale dans la notion de nomadisme, ou de mobilité.
Pour moi, habiter des lieux (au sens large j’entends: Friche Artistique Lamartine et maintenant Robinetterie / Mermoz / les étapes des Cycles 1 et 2 des Peurs Sociales et Intimes / les Cies et autres collectifs / les différentes adresses de France et d’Europe qui ont hébergés une ou plusieurs de mes nuits) est primordial pour se sentir faire partie intégrante d’un monde et plus précisément aujourd’hui, d’une France si plurielle et dont nous constatons l’étiolement du socle républicain.
Il nous faut recréer de la mobilité intellectuelle et physique ; pas en groupe, pas en vacances mais à l’intérieur de nos quotidiens et prendre du temps.
La notion travail est désormais questionnable quand toute une génération subit des crises de sens en étant employée à des postes de « bullshit jobs ».
Les générations d’étudiant·e·s qui vivent la pandémie actuelle vont redoubler d’un besoin des autres aussi différents soient elles·ils.
Du moins c’est à cet idéal-ci que je veux participer.
Pour lire les précédents billets à propos du Féministère c’est ici : 1 Le Bon Moment
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